Rendez-vous médicaux non honorés : ce que disent les chiffres
Voilà plusieurs années que de nombreux professionnels de santé alertent sur le problème des rendez-vous médicaux non honorés. Jusqu’au Conseil national de l’Ordre des médecins qui s’en est ému, exprimant son inquiétude dans un communiqué officiel en janvier dernier.
Se basant sur plusieurs études menées sur le sujet, le Conseil affirme que 6 à 10% des consultations médicales ne sont pas assurées chaque semaine pour des patients qui ne se présentent pas à leur rendez-vous. Cela représenterait en moyenne deux heures d’activité hebdomadaire perdue pour chaque médecin. Ou encore l’équivalent du travail à temps plein de 4 000 médecins.
Un phénomène lourd de conséquences
Même si ces chiffres sont parfois remis en cause et revus à la baisse, le phénomène des rendez-vous médicaux non honorés suscite l’indignation générale, autant du côté des professionnels de santé que des autres patients. Car cela finit par entraîner des répercussions importantes :
– Une désorganisation du travail des personnels médicaux.
C’est d’autant plus frappant chez les médecins spécialistes dont les consultations durent en général plus longtemps que celles des généralistes.
– Une diminution des créneaux et une augmentation des délais de rendez-vous à proposer au reste de la patientèle.
Dans ces conditions, certains patients renoncent à obtenir des soins dont ils ont besoin. D’autres se tournent vers les urgences déjà engorgées.
Dans un contexte général de difficultés d’accès aux soins sur de nombreux territoires en France, on comprend que le sujet inquiète et agace.
Pourquoi tant de rendez-vous médicaux non honorés ?
Un rendez-vous médical manqué parce qu’on l’a oublié ou qu’on a eu un empêchement, cela peut arriver à tout le monde. Mais les médecins s’alarment car le phénomène est en hausse.
Alors ils pointent du doigt deux responsables possibles : la téléconsultation et les plateformes de prise de rendez-vous en ligne. En dématérialisant la démarche du patient, elles l’inciteraient à « consommer » de l’acte médical en lui faisant perdre le sens de ses responsabilités.
On évoque aussi une tendance générale propre à notre époque où tout doit aller vite : c’est de vouloir tout, tout de suite. « Un rendez-vous médical ? Quand je veux. Un arrêt de travail, une ordonnance ? Maintenant. Ça ne peut pas attendre. »
Un état d’esprit qui conduit à des comportements consuméristes comme prendre des rendez-vous médicaux en double (pour augmenter ses chances d’obtenir une consultation au plus vite) mais négliger de les annuler. Ou encore refuser de s’imposer les contraintes nécessaires pour se rappeler un rendez-vous et se donner les moyens d’y arriver, et à l’heure.
Comment limiter les risques de rendez-vous médicaux non honorés ?
- Sensibiliser et responsabiliser les patients.
Une campagne de communication venant des pouvoirs publics ou des médecins eux-mêmes peut permettre au public de prendre conscience des conséquences délétères de cet « absentéisme ».
Ainsi peut-on lire dans la salle d’attente de certains professionnels de santé (médecins, dentistes, ophtalmologues, etc.) des affiches indiquant le nombre de rendez-vous non honorés sur le mois, l’année. Une information parlante lorsqu’elle se rapporte à une situation vécue. - Relancer les patients
Une solution pour les absentéistes par distraction ou par négligence : les rappels systématiques (la veille, une heure avant) par e-mail, SMS ou, si possible, pour les patients moins « connectés », par téléphone. - Sanctionner les responsables
Les professionnels de santé, excédés par ce manque de civisme, peuvent être tentés de brandir la menace de la sanction : faire payer les rendez-vous non honorés et/ou refuser tout nouveau rendez-vous notamment en cas de récidive. Mais est-ce possible ?
Sanctionner les rendez-vous médicaux non honorés : que dit la loi ?
Le Code de la santé publique apporte des réponses à cette question de la sanction des patients absentéistes.
– Un médecin peut-il refuser un nouveau rendez-vous à un patient qui n’a pas honoré le précédent ?
La réponse est « oui » sauf en cas d’urgence (en respect du serment d’Hippocrate). Un médecin peut invoquer des raisons professionnelles (ou personnelles) pour refuser des soins non urgents à un patient à condition de l’en avertir et de s’engager à lui donner les coordonnées d’autres médecins qui pourront le prendre en charge. Il devra également fournir à ses confrères toutes les informations nécessaires à la continuité des soins pour ce patient.
– Un médecin peut-il réclamer des honoraires à un patient pour une consultation manquée ?
La réponse est « non ». Article 53 (article R.4127-53 du code de la santé publique)
Vers un changement de la loi ?
Face à une demande générale des professionnels de santé de prendre en compte le problème, les députés et les sénateurs ont débattu de la question. C’était en avril et mai derniers, à l’occasion de l’examen d’un projet de loi portant sur l’« amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ».
Le projet de loi contenait un article proposant l’idée d’une sanction financière pour un rendez-vous médical manqué. Elle aurait pris la forme d’une pénalité appliquée par la Caisse d’assurance maladie sur les remboursements futurs d’actes médicaux reçus par le patient absentéiste. Mais finalement cette mesure n’a pas été retenue dans la version finale du texte de loi adopté le 10 mai 2023 au motif qu’elle risquait de dissuader des patients d’avoir accès aux soins.
Alors comment résoudre le fléau des rendez-vous médicaux non honorés ? Affaire à suivre.